Critiques de films 2ème trimestre (année 2013-2014)
Déposez ici, en publiant un commentaire, vos critiques de films. Un film dans les salles en ce moment, ou unfilm découvert en dvd ou à la télé, partagez votre vision du travail du cinéaste.
Une comédie signée Guillaume Galienne qui nous est présentée sous forme d'un monologue théâtral. Le début du film nous montre l'artiste retirant son maquillage de scène, une façon de nous annoncer qu'il ne jouera pas un rôle mais qu'il nous racontera son histoire. Sans artifice, le film est authentique. Guillaume retrace avec le spectateur son adolescence, plus particulièrement l'année de ses quinze ans où il avait des difficultés à définir sa préférence sexuelle. Sa mère, dont la comédienne n' est autre que Guillaume jouant le rôle de sa propre mère, est le centre de son histoire, celle qui donne un sens à sa vie, celle à qui il voulait ressembler. Quand venait l'heure des repas, elle appelait ses enfant d'une manière particulière ; « Les garçons et Guillaume, à table ! » Le jeune homme, pas très viril, en quête de son identité, ne comprenait pas qui il était. Il se comparait à la princesse Sisi et scrutait chez toutes les femmes le petit charme qui les différenciait les unes des autres, jusqu' au jour où Guillaume est envoyé dans un internat pour garçon. Cette comédie contient beaucoup d'humour, elle est distrayante, intéressante, elle a tout pour plaire ! Marine.
En éternel rêveur, Alejandro Jodorowsky propose dans son dernier film une biographie mêlée de fantaisie. Au-delà de la sienne, cette histoire est celle du Chili, et plus largement de l'humanité. Plus que le récit fantaisiste d'une réalité historique établie, c'est ici le récit historique de sa perception fantaisiste de la réalité que nous propose le réalisateur, qui au détour du film apparaît à son lui passé pour le guider vers un futur plein d’espoir, regorgeant de personnages, de rêves et de couleurs.
"La Danza de la Realidad" relate l'enfance de Jodorowsky dans le Chili en crise, entre un père flirtant avec un totalitarisme synthétisant celui de Staline, qu'il admire, et celui d'Ibañez qu'il combat, une mère qui ne parle pas mais chante comme à l'opéra, et une galerie de personnages fantaisistes, incluant en vrac des mineurs estropiés, un nain qui fait la promotion de la boutique familiale et une espèce de mystique à la croisée des trois religions du livre.
Le film ne peut se raconter, car le parcours initiatique est autant celui du spectateur que celui des personnages, qui se relaient pour mener la danse d'une réalité toujours mouvante et parfois émouvante, pleine de couleurs mêlant espoir et terreur, pleine de figures métaphoriques qui au-delà de l'instabilité qu'elles traduisent parviennent à former un tout cohérent. Entre réminiscence des impressions passées et regard porté a posteriori sur la période, Jodorowsky nous emmène hors du temps, dans un conte dont on ne questionne pas la réalité tant les apparentes illusions se révèlent lourdes d’implications concrètes. Relecture de l’Histoire à travers la relecture d’une histoire, « La Danza de la Realidad » est un ouvroir de rêverie potentielle, une ode à la vie pourtant imprégnée de mort, une ode à la joie pourtant dominée par la crainte et, enfin, une expérience cinématographique complexe et très bien menée qu’il faut vivre pour pouvoir la comprendre, tant elle transcende un langage qui ne peut concrétiser la réalité mouvante de cette fantaisie presque onirique qui brode sur un réel que chacun retrouvera, de près ou de loin.
Fantôme errant dans les soirées dont il ne s'amuse plus, vieux lion tournant en rond dans la cage qu'est Rome, observant d'un air faussement détaché le grand tout des petits riens qui composent son existence, Jep Gambardella goûte en même temps que la gloire de ses soixante-cinq ans les regrets d'une vie parcourue à la recherche d'une "grande beauté" qui parsème le réel mais demeure insaisissable.
Esseulé au cœur d'un milieu d'éternels jouisseurs dont il s'est autoproclamé roi, Jep est néanmoins armé d'un cynisme presque misanthrope, reflet d'une aspiration à vivre sa sensibilité, mais aussi d'un doute spirituel qui se fait plus prégnant à chaque séquence. Chaque trait d'esprit lancé aux autres fait écho à une recherche intérieure, tel le fameux projet de Flaubert d'écrire un roman à propos de rien, dont la mention répétée est l'objectivation de la fascination du vide d’un homme qui voit celui-ci tant dans la vie qu'il mène que dans sa mort qu'il sent de plus en plus prochaine.
L'esthétique soignée des plans, savamment éclairés mais surtout menés comme une série quasi continue de mouvements qui s'affrontent, est tout entière au service de ce film fait d'une somme de riens dont le portrait est à la fois très réaliste par les sensations qui s'en dégagent et clairement fictif au vu des formes qu'il revêt. S'ouvrant sur une citation de Louis-Ferdinand Céline, selon qui tout voyage est imaginaire, le film en est l'illustration directe et propose une découverte tout en douceur de la psyché du personnage, au sein d'un monde riche en figures qui peu à peu se dépeuple pour dévoiler, toujours plus éclatante, la solitude latente qui transparaît dès les premiers plans.
Un propos simple mené avec l’habileté qu’il requiert, une esthétique magnifique toujours parfaitement justifiée, des symboles riches par lesquels il ne se laisse jamais dépasser ; « La Grande Bellezza », de Paolo Sorrentino, est en tous points une réussite, et ce long-métrage qui mérite à n’en point douter l’appellation de grand film est à voir absolument.
Que reste-t-il quand tout s'efface, quand le monde s'éteint dans la nuit noire des guerres et de la pollution ? Seuls les amoureux restent en vie, ou peut-être qu'eux-mêmes s'en vont disparaître, et qu'ils ne sont déjà plus que deux. C'est là toute la polysémie du dernier film de Jim Jarmusch, portée dès son titre, « Only Lovers Left Alive ». Ces deux tendances opposées sont incarnées par les deux moitiés d'un étrange tandem de vampires vivant leur amour à distance, et leur survie conjointement.
Elle, Eve, incarnée par Tilda Sweton, vit à Tanger, dans une nuit jaunie par les réverbères qui éclairent les ruelles de pierre qu'elle parcourt à pied. Elle trouve ses moyens de subsistance auprès d'un homme, qui se réfère comme à un professeur à un vieux vampire qui fut un temps appelé Christopher Marlowe. Quant à la vie, elle la trouve encore dans certains êtres humains ; dans une jeune chanteuse locale, dans les couples qui peuplent la nuit.
Lui, Adam, incarné par Tom Hiddleston, vit à Detroit, enfermé dans une maison en partie délabrée au cœur d'un quartier sombre et abandonné, loin de ceux qu'il appelle les "zombies" dont il hante, en voiture, l'empire urbain déserté. Il achète le sang dont il a besoin à un praticien clinique, avec qui son rapport n'est que commercial. Quant à la nuit, il la passe à composer des airs sombres, à jouer ses idées noires sur les guitares que lui fournit son seul ami, Ian, protecteur de son anonymat qui ignore tout de son identité.
Si Eve croit dans la vie, Adam lui broie du noir et semble en flirt permanent avec une mort qui le délivrerait peut-être d'un enfermement subi comme une incapacité à s'exprimer. Il serait la figure de l'artiste maudit, si les rares morceaux qu'il fait diffuser ne rencontraient un prompt succès. Mais tous deux s'aiment, alors tous deux vivent, et c'est cette survie de tous les jours, qui n'est pas seulement celle de deux êtres mais surtout l'épreuve qu'endure en permanence un frêle équilibre dont on comprend qu'il est ce qui reste d'espoir et de pureté dans le monde, que Jarmusch présente.
Porté par une bande originale incroyable aux sonorités souvent inclassables, entre la douceur mélancolique d'une musique classique et la noirceur agressive d'un black metal dépressif, le film est à l'image de celle-ci : simple, doux, mais terriblement prenant. Ce sont deux heures d'envoûtement, au plus près de personnages dont toute la profondeur se ressent après quelques plans seulement, porteuses à la fois d'un sentiment universel, d'une esthétique pluri-temporelle et de problématiques actuelles. Il est impossible de ne pas comparer ce film à une œuvre précédente de Jarmusch, « Dead Man », dont on retrouve le ton élégiaque, cependant là où ce dernier posait clairement un macchabée en devenir, incarnation du poète, et son guide vers l’éternité spirituelle, « Only Lovers Left Alive » préfère exposer deux tendances divergentes mais fusionnelles, que réunit une vie nocturne et, en un sens, mortuaire, mais néanmoins réelle.
A la lueur des nuits dont les teintes ne se ressemblent pas, Adam et Eve poursuivent l’espoir de voir un nouveau jour se lever le lendemain, sans savoir si celui-ci sera peuplé par l’amour, ou si leur couple atypique sera ce qu’il est peut-être déjà, l’unique rescapé d’un monde contaminé. Cette mélopée doucereuse, simple temps mort ou requiem, se savoure comme un poison brûlant qui, à mesure qu’il enflamme les veines, fait naître l’extase de son infinie beauté. A savourer avec passion.
« Guillaume et les garçons, à table ! »
RépondreSupprimerUne comédie signée Guillaume Galienne qui nous est présentée sous forme d'un monologue théâtral.
Le début du film nous montre l'artiste retirant son maquillage de scène, une façon de nous annoncer qu'il ne jouera pas un rôle mais qu'il nous racontera son histoire. Sans artifice, le film est authentique.
Guillaume retrace avec le spectateur son adolescence, plus particulièrement l'année de ses quinze ans où il avait des difficultés à définir sa préférence sexuelle.
Sa mère, dont la comédienne n' est autre que Guillaume jouant le rôle de sa propre mère, est le centre de son histoire, celle qui donne un sens à sa vie, celle à qui il voulait ressembler.
Quand venait l'heure des repas, elle appelait ses enfant d'une manière particulière ;
« Les garçons et Guillaume, à table ! »
Le jeune homme, pas très viril, en quête de son identité, ne comprenait pas qui il était. Il se comparait à la princesse Sisi et scrutait chez toutes les femmes le petit charme qui les différenciait les unes des autres, jusqu' au jour où Guillaume est envoyé dans un internat pour garçon.
Cette comédie contient beaucoup d'humour, elle est distrayante, intéressante, elle a tout pour plaire !
Marine.
En éternel rêveur, Alejandro Jodorowsky propose dans son dernier film une biographie mêlée de fantaisie. Au-delà de la sienne, cette histoire est celle du Chili, et plus largement de l'humanité. Plus que le récit fantaisiste d'une réalité historique établie, c'est ici le récit historique de sa perception fantaisiste de la réalité que nous propose le réalisateur, qui au détour du film apparaît à son lui passé pour le guider vers un futur plein d’espoir, regorgeant de personnages, de rêves et de couleurs.
RépondreSupprimer"La Danza de la Realidad" relate l'enfance de Jodorowsky dans le Chili en crise, entre un père flirtant avec un totalitarisme synthétisant celui de Staline, qu'il admire, et celui d'Ibañez qu'il combat, une mère qui ne parle pas mais chante comme à l'opéra, et une galerie de personnages fantaisistes, incluant en vrac des mineurs estropiés, un nain qui fait la promotion de la boutique familiale et une espèce de mystique à la croisée des trois religions du livre.
Le film ne peut se raconter, car le parcours initiatique est autant celui du spectateur que celui des personnages, qui se relaient pour mener la danse d'une réalité toujours mouvante et parfois émouvante, pleine de couleurs mêlant espoir et terreur, pleine de figures métaphoriques qui au-delà de l'instabilité qu'elles traduisent parviennent à former un tout cohérent. Entre réminiscence des impressions passées et regard porté a posteriori sur la période, Jodorowsky nous emmène hors du temps, dans un conte dont on ne questionne pas la réalité tant les apparentes illusions se révèlent lourdes d’implications concrètes. Relecture de l’Histoire à travers la relecture d’une histoire, « La Danza de la Realidad » est un ouvroir de rêverie potentielle, une ode à la vie pourtant imprégnée de mort, une ode à la joie pourtant dominée par la crainte et, enfin, une expérience cinématographique complexe et très bien menée qu’il faut vivre pour pouvoir la comprendre, tant elle transcende un langage qui ne peut concrétiser la réalité mouvante de cette fantaisie presque onirique qui brode sur un réel que chacun retrouvera, de près ou de loin.
Paul.
Fantôme errant dans les soirées dont il ne s'amuse plus, vieux lion tournant en rond dans la cage qu'est Rome, observant d'un air faussement détaché le grand tout des petits riens qui composent son existence, Jep Gambardella goûte en même temps que la gloire de ses soixante-cinq ans les regrets d'une vie parcourue à la recherche d'une "grande beauté" qui parsème le réel mais demeure insaisissable.
RépondreSupprimerEsseulé au cœur d'un milieu d'éternels jouisseurs dont il s'est autoproclamé roi, Jep est néanmoins armé d'un cynisme presque misanthrope, reflet d'une aspiration à vivre sa sensibilité, mais aussi d'un doute spirituel qui se fait plus prégnant à chaque séquence. Chaque trait d'esprit lancé aux autres fait écho à une recherche intérieure, tel le fameux projet de Flaubert d'écrire un roman à propos de rien, dont la mention répétée est l'objectivation de la fascination du vide d’un homme qui voit celui-ci tant dans la vie qu'il mène que dans sa mort qu'il sent de plus en plus prochaine.
L'esthétique soignée des plans, savamment éclairés mais surtout menés comme une série quasi continue de mouvements qui s'affrontent, est tout entière au service de ce film fait d'une somme de riens dont le portrait est à la fois très réaliste par les sensations qui s'en dégagent et clairement fictif au vu des formes qu'il revêt. S'ouvrant sur une citation de Louis-Ferdinand Céline, selon qui tout voyage est imaginaire, le film en est l'illustration directe et propose une découverte tout en douceur de la psyché du personnage, au sein d'un monde riche en figures qui peu à peu se dépeuple pour dévoiler, toujours plus éclatante, la solitude latente qui transparaît dès les premiers plans.
Un propos simple mené avec l’habileté qu’il requiert, une esthétique magnifique toujours parfaitement justifiée, des symboles riches par lesquels il ne se laisse jamais dépasser ; « La Grande Bellezza », de Paolo Sorrentino, est en tous points une réussite, et ce long-métrage qui mérite à n’en point douter l’appellation de grand film est à voir absolument.
Paul.
Que reste-t-il quand tout s'efface, quand le monde s'éteint dans la nuit noire des guerres et de la pollution ? Seuls les amoureux restent en vie, ou peut-être qu'eux-mêmes s'en vont disparaître, et qu'ils ne sont déjà plus que deux. C'est là toute la polysémie du dernier film de Jim Jarmusch, portée dès son titre, « Only Lovers Left Alive ». Ces deux tendances opposées sont incarnées par les deux moitiés d'un étrange tandem de vampires vivant leur amour à distance, et leur survie conjointement.
RépondreSupprimerElle, Eve, incarnée par Tilda Sweton, vit à Tanger, dans une nuit jaunie par les réverbères qui éclairent les ruelles de pierre qu'elle parcourt à pied. Elle trouve ses moyens de subsistance auprès d'un homme, qui se réfère comme à un professeur à un vieux vampire qui fut un temps appelé Christopher Marlowe. Quant à la vie, elle la trouve encore dans certains êtres humains ; dans une jeune chanteuse locale, dans les couples qui peuplent la nuit.
Lui, Adam, incarné par Tom Hiddleston, vit à Detroit, enfermé dans une maison en partie délabrée au cœur d'un quartier sombre et abandonné, loin de ceux qu'il appelle les "zombies" dont il hante, en voiture, l'empire urbain déserté. Il achète le sang dont il a besoin à un praticien clinique, avec qui son rapport n'est que commercial. Quant à la nuit, il la passe à composer des airs sombres, à jouer ses idées noires sur les guitares que lui fournit son seul ami, Ian, protecteur de son anonymat qui ignore tout de son identité.
Si Eve croit dans la vie, Adam lui broie du noir et semble en flirt permanent avec une mort qui le délivrerait peut-être d'un enfermement subi comme une incapacité à s'exprimer. Il serait la figure de l'artiste maudit, si les rares morceaux qu'il fait diffuser ne rencontraient un prompt succès. Mais tous deux s'aiment, alors tous deux vivent, et c'est cette survie de tous les jours, qui n'est pas seulement celle de deux êtres mais surtout l'épreuve qu'endure en permanence un frêle équilibre dont on comprend qu'il est ce qui reste d'espoir et de pureté dans le monde, que Jarmusch présente.
Porté par une bande originale incroyable aux sonorités souvent inclassables, entre la douceur mélancolique d'une musique classique et la noirceur agressive d'un black metal dépressif, le film est à l'image de celle-ci : simple, doux, mais terriblement prenant. Ce sont deux heures d'envoûtement, au plus près de personnages dont toute la profondeur se ressent après quelques plans seulement, porteuses à la fois d'un sentiment universel, d'une esthétique pluri-temporelle et de problématiques actuelles. Il est impossible de ne pas comparer ce film à une œuvre précédente de Jarmusch, « Dead Man », dont on retrouve le ton élégiaque, cependant là où ce dernier posait clairement un macchabée en devenir, incarnation du poète, et son guide vers l’éternité spirituelle, « Only Lovers Left Alive » préfère exposer deux tendances divergentes mais fusionnelles, que réunit une vie nocturne et, en un sens, mortuaire, mais néanmoins réelle.
A la lueur des nuits dont les teintes ne se ressemblent pas, Adam et Eve poursuivent l’espoir de voir un nouveau jour se lever le lendemain, sans savoir si celui-ci sera peuplé par l’amour, ou si leur couple atypique sera ce qu’il est peut-être déjà, l’unique rescapé d’un monde contaminé. Cette mélopée doucereuse, simple temps mort ou requiem, se savoure comme un poison brûlant qui, à mesure qu’il enflamme les veines, fait naître l’extase de son infinie beauté. A savourer avec passion.
Paul.