Échange avec Didier Daeninckx sur l'adaptation d'un de ses livres

Le 23 février 2015, l'auteur a pris le temps de répondre aux questions posées par les élèves au moment de l'écriture de leurs scénarios, voici le courriel qu'il leur a transmis.

A propos de la description des personnages.

Les élèves: Vous les décrivez peu. Nous avons beaucoup hésité sur le choix du comédien.
Comment voyez-vous Jean ?

Didier Daeninckx: Je ne décris pratiquement jamais mes personnages physiquement. Ils se définissent par leur comportement, par leurs actes, par leurs gestes, leur manière de parler.

Je laisse au lecteur la liberté de les dessiner dans son imagination à partir de ces seules indications.

A propos du premier acte de résistance de Jean.

Les élèves: pour nous, Jean est un personnage qui hésite à s'engager ...
Est-il un héros ou un homme ordinaire ?

Didier Daeninckx: C'est un homme ordinaire qui va faire des gestes simples sans trop savoir, sans trop comprendre que ces gestes là vont lui faire franchir une frontière. Résister n'est pas caractérisé par une posture héroïque mais par un choix de solidarité. On choisit son camp. Et c'est ce premier geste qui va conduire Jean dans la Résistance.

La scène de l'imprimerie.

Les élèves: Vous faites le choix de ne pas montrer ce qui se passe à l'étage, notre choix est de le montrer.
Pouvez-vous nous expliquer le vôtre ?

Didier Daeninckx: C'était simplement pour ajouter du mystère et accentuer cette impression que les personnages ne dominent pas leur destin.

La déportation de Jean.

Les élèves: Nous avons pris le parti de faire partager les émotions de Jean sans mise en scène, en créant des impressions (lumières, contrastes, bruits).
Que pensez-vous de ce choix ?

Didier Daeninckx: Cela rejoint pour moi la première réponse à vos questions, cette manière de poser les choses sans artifice, sans psychologie au premier degré.


Sur le personnage de Quinioux, l'avocat général.

Les élèves: Qu'aurait-il perdu en ne truquant pas le procès ?

Didier Daeninckx: Quinioux est un homme de son temps: il l'épouse quel que soit le maître. En 1943, il se met au service des nazis, se fait discret entre 1944 et 1947 quand la Résistance s'amplifie  puis quand elle participe à la renaissance de la République. Puis il comprend, en 1947-48 que la donne change une nouvelle fois. Les Alliés contre le nazisme s'opposent dans ce qui va devenir la "guerre froide". Le bloc "occidental" fait face au bloc "communiste". Quinioux se saisit de cette opportunité historique pour effacer son passé en trafiquant celui de ses adversaires. Il ne pense pas à ce qu'il aurait à perdre mais seulement à ce qu'il a à gagner.

La mort de Lucien, la vengeance de Jean.

Les élèves: Nous avons choisi de terminer notre film sur la phrase : << Mon père n'est pas un assassin>> et de ne pas montrer la vengeance de son père.
Que pensez-vous de ce choix ?

Didier Daeninckx: J'ai écrit le livre en 1988-1989, au moment où on commémorait le bi-centenaire de la révolution de 1789, et j'ai donc terminé mon roman sur l'assassinat d'un centenaire…

A propos de la transmission.

Les élèves: Très vite la question de la transmission s'est imposée. D'où le choix de représenter Marc Blingel sous les traits d'un journaliste en retraite qui propose au narrateur de continuer l'enquête.
Ce choix concorde-t-il avec votre intention de transmettre ?

Didier Daeninckx: J'avais choisi de faire de Marc un jeune homme d'un peu plus de vingt ans pour qu'il soit en écho avec ce qu'avait été Jean Ricouart au moment de son engagement.

Les élèves: Comment travaillez-vous aujourd'hui pour obtenir ces informations sur l'Histoire ?

Didier Daeninckx: Je lis beaucoup de livres, de revues, de travaux historiques, et certains faits retiennent mon attention. Ensuite, je creuse ! Je viens de terminer un ouvrage, Caché dans la maison des fous, qui évoque le fait que le poète Paul Éluard, recherché par la police française et la Gestapo, s'est planqué pendant 5 mois dans un hôpital psychiatrique, en Lozère, avec son épouse. La poésie sauvée par la folie : j'ai l'impression que ce simple fait en dit beaucoup sur une époque.

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